Avec le temps
G. MOUSTAKI: Je voudrais perdre la mémoire pour ne plus changer de trottoir quand je croise mes souvenirs.
Ce doit être la morosité de ce mardi...
Il y a plusieurs types de souvenirs. Des drôles, des beaux, des gais, des tristes. Des drôles mais qui pour l'instant rendent triste, des tristes aux jours d'aujourd'hui qui ne seront ni drôles ni tristes dans quelque temps, mais qui seront juste des souvenirs, des moments passés. Des souvenirs que l'ont choisi, des souvenirs qui s'imposent à nous. Et puis ce temps qui passe et qui frappe. Ce temps qui fait que seuls certains de nos moments sont destinés à devenir des souvenirs alors que d'autres sombreront dans l'oubli.
Si l'on devait se souvenir de TOUT, il y aurait trop de choses. Trop de choses à se souvenir. Il m'arrive, quand je vis un bon moment, d'avoir envie de le consigner, de le filmer (et je ne l'ai jamais fait), pour être sûre de ne jamais le perdre. De garder ce moment dans son intégralité et dans son intégrité. Mais en y réfléchissant, c'est complètement stupide. D'abord, qui me dit que ce doux moment ne se travestira pas en amer souvenir? Et puis ce qui compte, c'est l'état d'esprit dans lequel on est lorsque le moment est vécu. Le ressenti. Et ça, aucun film ne pourra le retranscrire. Un film aiderait seulement à se souvenir de cet état d'esprit. Et encore... rien n'est moins sûr, tout dépend de la façon dont on l'appréhende, dont on le perçoit. C'est une question d'instant, de moment.
C'est sûrement l'éphémérité du moment qui donne au souvenir tant de volupté.
Quand mon grand père était à l'hopital, avant qu'il nous quitte, j'ai eu la chance de le voir deux fois. Et la dernière fois, parce que ces choses là on les sent, j'ai bien observé et touché ses mains (car je les adooorais) pour bien m'en souvenir. Leur taille, leur toucher, leur chaleur. Et je m'en souviens encore. Parce que ce souvenir, je ne voulais pas le lacher.
J'ai vu, l'autre jour, le reportage sur Annie Girardot au sujet de la maladie d'Alzheimer. Ces pertes de mémoires, jusqu'à ne plus se souvenir de sa propre identité, de l'essence même de ce qu'on est, c'est terrifiant. En fait, bons ou mauvais, tous les souvenirs sont bons à prendre. Et même si certains arrivent, sans crier gare, il est préférable d'être empli de souvenirs que de se sentir vide. Car j'imagine que ça doit être un ressenti de cette maladie. Mais je ne m'avancerai pas, je n'en sais rien.
Je pense qu'il faut les accepter, ces souvenirs, tels qu'ils sont, avec les charges affectives qu'ils véhiculent, et les laisser nous submerger.
Je vous mets l'interprétation de Dalida d'Avec le temps. Je l'aime beaucoup. A la fin de la chanson, il y a une interview. Elle dit qu' elle regrette seulement ce qu'elle n'a pas fait et qu'elle ne regrette pas ce qu'elle a fait. Je suis plutôt du genre à penser ça aussi. Et elle ajoute qu'elle n'est pas d'accord avec Léo Ferré. Dans la vie, il ne faut jamais cesser d'aimer. A mon sens, elle a raison.
Joséphine en partance pour Little Miss Sunshine et ça va lui faire le plus grand bien!!